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Photo du rédacteurFanny LE GUEN

Lien de subordination & pouvoir de direction : des notions souvent floues et pourtant centrales dans la relation contractuelle

hiérarchie

Le lien de subordination est un concept fondamental en droit du travail, étroitement lié au pouvoir de direction de l'employeur. Au cours de mes accompagnements au sein de petites et moyennes organisations, je constate que les notions de "pouvoir de direction" et de "lien de subordination", et surtout ce qui en découle, sont encore très largement méconnues. J'espère que cet article permettra une meilleure appropriation.


Le pouvoir de direction : un équilibre délicat entre liberté d'entreprendre et protection des salariés


Le pouvoir de direction de l'employeur, pierre angulaire de la relation de travail, est étroitement lié avec le lien de subordination.


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Le pouvoir de direction : définition et fondements


Le pouvoir de direction, bien que non explicitement défini par un article unique du Code du travail, est implicitement reconnu et encadré par de nombreuses dispositions. Il permet à l'employeur d'organiser l'entreprise, de donner des instructions et de contrôler le travail des salariés afin d'atteindre les objectifs fixés. Ce droit découle notamment du principe de la liberté d'entreprendre, garanti par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui permet, notamment, à toute personne de créer et de gérer une entreprise, impliquant le droit de prendre des décisions organisationnelles et de gestion. Il se met en place dès lors qu'un contrat de travail est établi, induisant de fait le lien de subordination.


bateau en papier

Les trois facettes du pouvoir de direction


📌 Le pouvoir d'organisation et de gestion : l'employeur définit la structure de l'entreprise, les méthodes de travail, et l'affectation des tâches.⚠️ Cependant, cet aspect doit tenir compte des consultations obligatoires avec les représentants du personnel.

📌 Le pouvoir de donner des ordres et des directives : il s'agit de la capacité de l'employeur à donner des ordres et des instructions aux salariés, leur fixant les objectifs à atteindre et le cadre de leur travail. ⚠️ Cette prérogative doit respecter les lois et la réglementation sur le temps de travail, la santé et la sécurité au travail.

📌 Le pouvoir d'en contrôler l'exécution et de sanctionner en cas de manquement : l'employeur a le droit de contrôler le travail réalisé par les salariés et de prendre des mesures disciplinaires en cas de manquement, conformément à la législation. ⚠️ L'employeur doit s'appuyer sur l'échelle des sanctions prévue au règlement intérieur.


autorisation

Les limites du pouvoir de direction


La liberté d'entreprendre n'est pas absolue. Le pouvoir de direction est limité par :

📌 Le respect des droits fondamentaux des salariés : l'article L1121-1 du Code du travail garantit la protection des droits et libertés individuelles et collectives des salariés. Toute restriction doit être justifiée par la nature de la tâche et proportionnée au but recherché.

📌 Le respect de la législation et de la réglementation : les conventions collectives, les accords d'entreprise et les lois en matière de santé, sécurité, et temps de travail encadrent strictement l'exercice du pouvoir de direction.

📌 Le dialogue social : le respect des prérogatives des représentants du personnel et un impératif. Une consultation régulière et constructive avec les représentants du personnel est essentielle et permet d'assurer un exercice équilibré du pouvoir de direction.


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L'évolution du pouvoir de direction


✴️ Contexte historique et changement de paradigme

Traditionnellement, le pouvoir de direction était souvent associé à une hiérarchie rigide et à un modèle de commandement centralisé. Cela est souvent issu d'une culture interne où les décisions sont prises par un nombre restreint de dirigeants, laissant peu de place à l'initiative individuelle. La montée en puissance du télétravail, accentuée par des événements comme la pandémie de COVID-19, a forcé les structures à repenser leur modèle de management. Le modèle hiérarchique est de plus en plus challengé par des structures plus plates qui favorisent davantage la collaboration et l'implication des salariés dans le processus décisionnel.


✴️ Place de la confiance

Le passage à un mode de travail à distance souligne l'importance de la confiance entre les dirigeants et leurs équipes. Dans un environnement où la supervision directe est limitée, la confiance (ou dans le pire des cas, le contrôle) devient un élément fondamental pour garantir la performance et la productivité. Cela nécessite une approche de leadership plus mature, où les managers doivent apprendre à déléguer et à croire en la capacité des salariés à atteindre leurs objectifs sans un contrôle constant.


✴️ Autonomie et responsabilisation

En favorisant l'autonomie, les structures reconnaissent que les salariés peuvent être plus efficaces lorsqu'ils ont la possibilité d'organiser leur travail. Cela peut également contribuer à une meilleure satisfaction au travail, car les salariés se sentent valorisés et respectés pour leurs compétences et leur jugement.

La responsabilisation des salariés implique également un changement dans la manière dont les performances sont évaluées. Plutôt que de se concentrer uniquement sur des indicateurs quantitatifs, il devient crucial d'évaluer les résultats en fonction des objectifs et des résultats globaux atteints.


👉En résumé, l'évolution du pouvoir de direction vers une approche davantage axée sur la confiance, l'autonomie et la responsabilisation des salariés représente une réponse à un environnement de travail en mutation. Cependant, cela nécessite un ajustement des mentalités et des pratiques managériales pour naviguer avec succès dans ces changements. Les organisations qui réussiront à instaurer ces nouvelles dynamiques pourront non seulement améliorer leur productivité, mais aussi renforcer l'engagement et le bien-être des salariés .


Le lien de subordination : une protection qui peut faire mal


Le lien de subordination est une notion fondamentale en droit du travail, qui caractérise la relation entre un employeur et un salarié. Ce concept, essentiel pour identifier la nature de la relation de travail, a des implications juridiques significatives en matière de droits et d’obligations des parties.


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Le lien de subordination : définition et fondements


Des trois éléments définissant la qualité de salarié (lien de subordination, rémunération et contrat) seul le premier constitue un critère décisif. En effet, le lien de subordination juridique permet de distinguer le travailleur indépendant du travailleur salarié.


Le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.


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Implications du lien de subordination sur la relation de travail


✴️ Droits et obligations des parties

➡️ Pour l'employeur :

  • Responsabilité : l'employeur est responsable de la santé et la sécurité des salariés et des dommages causés par ses salariés dans le cadre de leur mission.

  • Pouvoir disciplinaire : l'employeur peut sanctionner les salariés en cas de mauvaise exécution, ce qui inclut les avertissements, la mise à pied ou le licenciement.


➡️ Pour le salarié :

  • Droit à la protection : le salarié bénéficie de protections juridiques, y compris le droit à un salaire, à la sécurité au travail et à des conditions de travail décentes.

  • Obligation de loyauté : le salarié doit agir dans l'intérêt de l'entreprise, respecter les règles internes et exécuter son travail avec diligence.


✴️ Conséquences en cas de démonstration d'un lien de subordination dans une relation commerciale

Ce sont les circonstances de fait qui déterminent l’existence d’un rapport de subordination ; celui-ci ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention ("prestation de service", "contrat commercial", ...).

Dans leur démarche pour conclure à l’existence d’un lien de subordination, les juges utilisent la méthode du faisceau d’indices : ils relèvent des éléments qui, pris isolément, ne suffiraient pas à caractériser le lien de subordination, mais dont la réunion induit le caractère salarial de l’activité (rémunération, horaires de travail, fourniture du matériel, le lieu de travail…).


Lorsqu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre une structure et un travailleur indépendant, plusieurs conséquences juridiques peuvent survenir :

  • Requalification du contrat de travail : si le lien de subordination est établi, la relation entre la structure et le travailleur indépendant peut être requalifiée en contrat de travail salarié. Cela signifie que le travailleur peut être considéré comme un employé plutôt que comme un prestataire de services indépendant.

  • Application du Code du Travail : en cas de requalification, le travailleur acquiert les droits et protections prévues par le Code du travail, notamment en matière de congés payés, d'horaires de travail, et de protection contre le licenciement abusif.

  • Paiement des cotisations sociales : la structure peut être tenue de payer les cotisations sociales et contributions patronales qui auraient dû être versées si le travailleur avait été considéré comme un salarié depuis le début de la relation de travail.

  • Sanctions pour la structure : la structure peut faire face à des sanctions financières, notamment des amendes pour non-respect du droit du travail, et éventuellement à des rappels de cotisations sociales par l'URSSAF en France.

  • Indemnisation pour le travailleur : le travailleur peut être en droit de réclamer des indemnités, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'autres avantages sociaux auxquels il aurait eu droit en tant que salarié.


Pour la structure, la requalification peut avoir d'importantes conséquences financières et juridiques. Il est donc essentiel que ce risque soit connu et compris. Je rencontre encore trop souvent des associations, notamment (mais pas que), qui font appel à des auto-entrepreneurs et où les juges n'auraient aucune difficulté à réunir le fameux faisceau d'indices.


✴️ Un statut qui fait exception

Cela concerne les salariés de coopérative d'activité et d'emploi (#CAE) qui sont à la fois salariés, mais complètement autonomes (dès lors que la CAE ne leur impose pas un cadre et une organisation de travail). C'est par exemple le cas au sein de ma CAE ELYCOOP.


subordination

Les "effets pervers" du lien de subordination


En reprenant mes études en psychologie du travail, j'ai tout d'abord été interpellée en entendant certains de nos enseignants affirmer que le lien de subordination jouait un rôle prépondérant dans les risques sur la santé mentale des salariés.


Jusqu'alors, je n'avais que l'approche juridique qui, de ma compréhension, visait à protéger la santé des salariés qui mettaient leur force et temps de travail à la disposition d'un employeur disposant du pouvoir de direction ...qui, en contrepartie devait les protéger.


🔎 Constat

Il est vrai que, lorsque ce pouvoir est exercé de façon stricte, cela peut conduire à des effets pervers significatifs, impactant la santé mentale des travailleurs. La clinique de l'activité, notamment, éclaire ces dynamiques et leurs répercussions.


📌 Quelques cas de figures assez fréquents :

  • Lorsque les décisions sont unilatérales et la communication descendante

  • Lorsque les directives sont données (nous l'avons, c'est un droit), sans discussion possible

  • Lorsque l'évaluation est réalisée sur le travail prescrit sans prendre en compte le réel de l'activité

  • Lorsque le dialogue social est réalisé a minima et qu'il n'y a pas réellement de contre-pouvoir

  • Lorsqu'il n'existe aucun espace pour pouvoir s'exprimer et agir sur son travail

  • . . .

Toutes ces situations peuvent induire un environnement qui impacte la santé mentale des travailleurs.


🔖Les différentes approches en psychologie du travail soulignent l'importance de l'autonomie et des marges de manoeuvre : lorsque les salariés sont privés de l'autonomie nécessaire pour organiser et réaliser leurs tâches, cela peut engendrer un sentiment de perte de sens et conduire à de la frustration, du désengagement et du mal-être. La clinique de l'activité, notamment, met en exergue comment l'absence d'espace pour l'initiative personnelle et l'expression des compétences peut nuire à la satisfaction au travail et à la santé mentale des salariés .


💡 Certains travaux font apparaître que le manque de reconnaissance, l'impossibilité de réaliser un travail de qualité, . . . couplés à la pression constante pour atteindre des objectifs souvent fixés sans concertation, contribue à l'érosion de l'estime de soi et peut conduire à des troubles psychosociaux, tels que le burnout ou la dépression.


👍Les bonnes pratiques

Pour atténuer les effets négatifs du lien de subordination, il est essentiel que les employeurs adoptent des pratiques managériales qui encouragent la participation active des salariés dans toutes les questions concernant l'organisation et la réalisation du travail. L'instauration de méthodes de travail flexibles, la valorisation des compétences, ainsi qu'une communication ouverte et bidirectionnelle, restaurent aux travailleurs leur "pouvoir d'agir" et donnent un sens à leur activité, éléments cruciaux pour leur bien-être psychologique.


💫 En somme, pour transformer la relation de subordination en un levier de développement personnel et professionnel, il est indispensable de mettre en œuvre des pratiques managériales qui privilégient l'écoute, la communication de qualité, le feedback et la reconnaissance. Promouvoir une culture organisationnelle valorisant l'autonomie et la concertation se révèle bénéfique non seulement pour les individus, mais aussi pour la performance globale de l'organisation.


Conclusion


📝 Maîtriser les concepts de lien de subordination et de pouvoir de direction, leurs implications et les points de vigilance à garder à l'esprit pour éviter toute dérive est indispensable pour toute personne en situation de Direction.

Dans le secteur associatif, souvent, le problème remonte jusqu'aux statuts qui manquent de précision sur la responsabilité autour de la fonction employeur (qui peut faire quoi, qui peut déléguer quoi, etc.). Les structures s'aperçoivent parfois trop tard que certaines choses essentielles ne sont pas (suffisamment) formalisées dans leurs statuts.

Il peut y avoir du flou sur, par exemple, la chaine de décision ou les délégations. Or, en cas de contentieux, il faut pouvoir définir précisément qui était responsable de quoi.




Ressources






POUR ALLER PLUS LOIN

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👉 Je réalise des diagnostics de la fonction RH pour vérifier la conformité des pratiques avec le droit du travail

👉 Je réalise des diagnostics Qualité de Vie et Conditions de Travail et j'accompagne les dirigeants et les managers, sous différents formats (atelier, form'action, codéveloppement professionnel, intervention clinique ...) avec l'objectif d'améliorer la santé au travail au sein des organisations

👉 Je réalise des interventions en clinique du travail auprès des collectifs afin d'identifier les ressources contribuant à protéger la santé au travail






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