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  • Photo du rédacteurFanny LE GUEN

La dispute professionnelle : améliorer la qualité du travail pour améliorer la santé au travail

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

dispute professionnelle

La notion de "dispute professionnelle" est un concept développé par Yves Clot, psychologue du travail et clinicien de l'activité, faisant le lien entre la qualité du travail, sa mise en discussion et la santé des salariés.


Définition de la dispute professionnelle


livre

La dispute professionnelle se définit, selon Yves Clot, comme une confrontation constructive entre des professionnels sur les critères de qualité de leur travail.

Elle repose sur l'idée que la qualité du travail ne peut être véritablement évaluée qu'à travers un échange d'idées et d'expériences entre ceux qui exercent une même activité. Il ne s'agit pas d'une simple querelle ou d'un conflit, mais d'un dialogue qui a pour but de confronter des visions différentes du travail afin d'améliorer collectivement la qualité de celui-ci.


Lien entre dispute professionnelle et santé au travail


engrenage

La clinique de l'activité, un courant de recherche en psychologie du travail, examine la relation entre la qualité du travail et l'état de santé des travailleurs sous un angle particulier : celui de l'activité réelle des travailleurs et du sens qu'ils lui attribuent.


Yves Clot insiste sur le fait qu'il n'y a pas de "bien-être sans bien faire", ce qui signifie que pour que les travailleurs se sentent bien dans leur travail, ils doivent être en mesure de réaliser un travail de qualité. Le bien-être au travail n'est pas seulement une question de conditions matérielles ou environnementales, mais aussi de satisfaction liée à la qualité du travail accompli.


La Qualité du Travail en Question

qualité

En clinique de l'activité, la qualité du travail ne se résume pas à la satisfaction des besoins de l'entreprise. Elle dépend de la capacité du travailleur à s'engager dans son activité et à construire un sens à son travail. La qualité est donc subjective et dépend du rapport unique que chaque individu entretient avec son travail.


L'écart entre travail prescrit et travail réel

ajustement

Selon Yves Clot, le travail ne peut pas être réduit à une série de tâches prescrites par l'entreprise. Pour lui, l'activité réelle des travailleurs — c’est-à-dire ce qu’ils font concrètement pour atteindre les objectifs tout en s’adaptant aux imprévus — diffère souvent de ce qui est prescrit. Ce décalage entre ce qui est demandé et ce qui est réellement fait est une source potentielle de souffrance ou, au contraire, de créativité et de développement, selon la manière dont il est traité.


Le conflit de critères

Yves Clot souligne que, dans les organisations, le risque psychosocial le plus important réside dans le déni du conflit de critères sur la qualité du travail .

Les conflits de critères trouvent, notamment, leur origine dans :

  • Une perception différente des priorités : efficacité vs. bien-être, rentabilité vs. qualité, . . .

  • des différences de valeurs : éthique, qualité, environnement, égalité, . . .

  • des contradictions entre court terme et long terme : par exemple, atteindre des objectifs immédiats au détriment d’une vision à long terme, . . .


La santé des travailleurs est donc intimement liée à leur capacité à "bien faire", c'est-à-dire à accomplir un travail qu'ils jugent de qualité et qui a du sens pour eux.


Objectifs de la dispute professionnelle

Il y a deux voies pour l’organisation, nous dit Yves Clot, soit développer la procédure à outrance, pour simplifier et « pasteuriser » le réel, soit s’appuyer sur une dynamique de controverse et de dispute au sein d’un collectif, pour débrouiller les nœuds du réel, et enrichir les dilemmes afin de développer le métier.

dialogue

Il existe différents motifs de "disputes professionnelles" :

  • sur le "comment" du travail : différents modes opératoires, approches et méthodes existent, générant des conflits sur la meilleure façon de réaliser la tâche

  • sur le "quoi" du travail : débat sur les objectifs, les finalités et le sens du travail

  • sur le "pourquoi" du travail : remise en question de la légitimité du travail, de son utilité sociale et de sa place dans la société


La dispute professionnelle permet ainsi aux travailleurs :

  • d'identifier des conflits de critères sur la qualité du travail

  • de favoriser le dialogue et l'échange d'expériences entre professionnels

  • de développer le pouvoir d'agir des salariés sur leur travail


Elle contribue à libérer la parole, permet d’exprimer des frustrations, des difficultés, mais aussi des réussites et des astuces pour contourner les obstacles. Elle favorise une meilleure reconnaissance des savoir-faire individuels et collectifs.


Elle est aussi une soupape qui permet de prévenir les conflits, qui ne manquent pas de survenir quand il n'y a pas d'espaces pour traiter ce qui pose souci.


En ce sens, la dispute n’est pas une fin en soi, mais un outil de transformation qui vise à réajuster les pratiques individuelles et collectives pour améliorer la qualité du travail, tant sur le plan technique que sur le plan humain.


Comment faire en pratique ?


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La dispute professionnelle peut être organisée et accompagnée, notamment, via la mise en place d'Espaces de Discussion sur le Travail (EDT).


Les principes clés des Espaces de Discussion sur le Travail :

  • Les espaces de discussion doivent être des espaces collectifs qui permettent d'échanger sur l’expérience de travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes, etc.

  • La discussion porte sur l’activité réelle de travail. Cela implique de porter une attention sur les conditions de travail qui dépendent à la fois des moyens donnés par l’entreprise et des caractéristiques des individus au travail (état de santé, compétences, engagement)

  • Cette discussion, dont le vecteur principal est la parole, se déroule suivant un cadre et des règles co-construites avec les parties prenantes


La mise en place des Espaces de Discussion sur le Travail

[Pour démarrer, le recours à un facilitateur peut être rassurant et structurant]


🔓Conditions de réussite :

  1. Se mettre d'accord sur les finalités envisagées, les marges de manoeuvre, ...

  2. Construire un climat de confiance avec l'ensemble des parties prenantes

  3. Impliquer les managers dans la construction de la démarche pour qu'ils ne se retrouvent pas en difficulté par la suite dans leur rôle d'interface entre le terrain et la direction

  4. Communiquer de façon transparente auprès des salariés, des instances représentatives du personnel, ...et rendre visible auprès des différents acteurs ce que produisent les Espaces de Discussion sur le Travail


✏️ Etapes de déploiement :

  1. Définir la finalité visée dans la mise en discussion du travail : une meilleure régulation, de la concertation sociale, la résolution d’un problème donné, le développement professionnel d’un métier ou d’une catégorie de salariés, ...

  2. Conduire un état des lieux des espaces de communication et/ou discussion existants en prenant en compte : le fonctionnement, les caractéristiques, les effets produits, le bilan.... et identifier les besoins non couverts

  3. Se mettre d’accord sur la définition d’un cahier des charges de l’espace de discussion qui précise le périmètre de la discussion, les objets, les acteurs impliqués, la temporalité, le mode et les outils d’animation, le lien avec les instances de dialogue social et les processus de décisions, l’existence (ou non) et le format d’un compte-rendu, ses destinataires.

  4. Expérimenter à petite échelle ces nouveaux EDT, sur une période de temps définie, afin de favoriser un caractère de réversibilité et permettre un apprentissage collectif.


Conclusion


amélioration

La dispute professionnelle n'est pas un simple débat d'idées, mais un outil de transformation collective, où chacun participe activement à l'amélioration de son environnement de travail. Les organisations qui adoptent cette démarche peuvent s'attendre à des gains significatifs en termes de qualité du travail, de satisfaction des employés et d'efficacité opérationnelle.


🔖En somme, pour améliorer durablement la qualité du travail, il faut accepter de se disputer… mais de façon constructive.



Pourquoi un article en lien avec la psychologie du travail ?


Parce que je m'intéresse depuis longtemps aux questions relatives à la santé au travail et que je souhaite appréhender le sujet sous différents angles.


idées

Je me suis d'abord formée sur la question de la santé et de la sécurité au travail grâce aux outils de l'INRS. Ils sont didactiques, simples d'utilisation, notamment pour les petites structures. Ils aident les organisations à traiter les sujets pour, notamment, répondre aux obligations juridiques des employeurs sur les questions de Santé, Sécurité et Conditions de Travail.


idées

Face à certains contextes ou certaines situations auxquelles je me suis trouvée confrontée, j'ai ressenti le besoin d'appréhender les questions de santé au travail autrement que par une approche centrée sur les risques. Une approche plus globale, qui prend en compte les différentes composantes du travail :

  • Le dialogue professionnel et le dialogue social

  • L’organisation, le contenu et la réalisation du travail

  • La santé au travail

  • Les compétences et les parcours professionnels

  • L’égalité au travail

  • Le projet d’entreprise et le management

Je fais bien sûr référence à la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (#QVCT). Je me suis tout d'abord appuyée sur les méthodologies et outils proposés par l'ANACT. Puis j'ai eu besoin d'approfondir la réflexion et je suis retournée sur les bancs de l'université pour suivre le DU proposé par l'IAE de Lyon 3 pendant une année. J'ai rédigé un mémoire sur un de mes thèmes de prédilection : "Quel management de la qualité de vie au travail dans les petites et moyennes organisations ?"


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En creusant les questions autour du travail réel et du travail prescrit, j'ai découvert les travaux d'Yves CLOT, initiateur des recherches en clinique de l'activité au sein du CRTD et professeur émérite de psychologie du travail au CNAM. Notamment via les videos youtube de certaines de ses conférences. 

Yves CLOT, s'il n'est pas toujours facile à lire (ce n'est que mon humble avis), a le sens le formule : ainsi son "il n'y a pas de bien être sans bien faire" reste un repère fort dans ma pratique; de même que la notion de "pouvoir d'agir" (qu'il empreinte à Spinoza) à propos du travail.

En explorant ces sentiers là, j'ai eu le sentiment de remonter aux origines de la QVCT, d'approfondir certaines notions que je touchais du doigt sans pouvoir les nommer.

J'ai alors ressenti les nécessité d'être accompagnée dans l'appropriation de concepts et d'approches en lien avec la psychologie du travail. Me voici donc de retour une nouvelle fois sur les bancs de l'université, de Lyon 2 cette fois, pour 1 an 1/2, pour suivre le DU Cliniques du travail et pratiques d'intervention.


Cette soif d'apprendre est guidée par le besoin d'apprendre et de remettre en question mes connaissances et compétences et par l'envie d'apporter les réponses les plus adaptées possibles aux structures qui me sollicitent et me font confiance.

Comme ça, je ne dispose pas que d'un marteau ... en référence à une autre citation importante dans ma pratique professionnelle "Pour qui dispose d'un marteau, tous les problèmes sont des clous".



Ressources





POUR ALLER PLUS LOIN

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👉Je réalise des diagnostics Qualité de Vie et Conditions de Travail et j'accompagne les dirigeants et les managers, sous différents formats (atelier, form'action, codéveloppement professionnel, intervention clinique ...) avec l'objectif d'améliorer la santé au travail







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