Prévention des violences externes au travail
- Fanny LE GUEN
- 4 juin
- 10 min de lecture

📢 Cet article a pour objectif de synthétiser les thèmes principaux et les faits les plus importants concernant la prévention des violences externes au travail, basés sur la brochure "Travailler en contact avec le public" de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
1. Introduction : L'ampleur du phénomène

💡La violence externe est un enjeu majeur dans le monde du travail, affectant un nombre croissant de salariés en contact direct avec le public. En 2010, par exemple, "15 % des salariés du régime général et 23,5 % des salariés de la fonction publique déclaraient avoir subi au moins une agression verbale au cours des 12 derniers mois. Pendant la même période, près de 2 % des salariés du régime général et 4 % des salariés de la fonction publique signalaient avoir été victime a minima d’une agression physique (enquête Sumer, 2010)."
Ces chiffres sont d'autant plus significatifs que "plus de 3 salariés sur 4 travaillent en contact direct avec le public – en face à face ou par téléphone – (enquête Sumer, 2010)."
2. Définition et formes de violence externe

La violence externe se traduit par des insultes, menaces ou agressions physiques ou psychologiques exercées contre une personne sur son lieu de travail par des personnes extérieures à l’organisation, y compris par des clients, qui mettent en péril sa santé, sa sécurité ou son bien-être.
👉 Elle se manifeste sous plusieurs formes :
🔖Violence criminelle : Principalement une "violence de prédation (cambriolages, attaques à main armée…)", ciblant les métiers liés à l'encaissement d'argent ou la manipulation de biens de valeur. La violence est "un moyen direct, délibéré et prémédité".
🔖Violence du public envers les salariés : Incivilités (manque de respect, impolitesse, ou moquerie, crachat, impatience manifeste, mépris…). "Bien que souvent considérées comme banales, elles "ne sont pourtant pas à minimiser", car les organisations qui les "laissent s’installer (…) favorisent l’émergence d’actes plus graves de violence et de harcèlement".
🔖Actes de vandalisme : Détérioration ou destruction intentionnelles de biens matériels ou bâtiments. Bien qu'ils ne visent pas nécessairement les salariés, ils peuvent "laisser aux salariés le sentiment que leur travail est discrédité et traité avec mépris."
🔖Agressions verbales : Incluent "reproches, insultes et propos grossiers, remarques méprisantes, désobligeantes voire humiliantes, menaces et intimidations…". Elles peuvent être "le préambule d’un passage à l’acte physique."
🔖Agressions physiques : La forme la plus visible, portant "atteinte à l’intégrité corporelle du salarié", se traduisant par "des bousculades, des coups, des blessures… pouvant entraîner des séquelles plus ou moins graves, voire la mort."
👉 Il est important de noter que ces différentes formes de violence peuvent coexister. La notion de lieu de travail doit être appréciée au sens large, incluant tout lieu où les salariés sont amenés à se rendre dans le cadre de leur activité professionnelle, y compris à la sortie du lieu de travail.
3. Les facteurs de risques
Les violences externes sont multifactorielles et peuvent résulter de l'interaction de plusieurs éléments.

Facteurs socio-environnementaux et culturels
📌Évolution de la société marquée par la "transgression des normes de civilité, la montée des précarités économiques et sociales, l’isolement, l’insécurité urbaine…"
📌Les structures accueillant du public, notamment celles à vocation de service social, médico-social ou public, deviennent des "espace privilégié d’expression des tensions sociales" (frustration, injustice, inégalité).
📌Dégradation du lien social et divergence des "codes du « savoir-vivre ensemble »" peuvent créer des frictions.

Facteurs liés à la nature de l’activité professionnelle exercée
📌Violence intégrante au métier : Certains métiers (policiers, surveillants de prison, agents de sécurité) ont pour mission de "canaliser la violence d’autrui ou de faire respecter l’ordre public".
📌Risque inhérent au métier : Manipulation de valeurs ou transport de fonds (personnels d'agence bancaire, convoyeurs de fonds, commerçants).
📌Personnels soignants, particulièrement en psychiatrie ou aux urgences, confrontés à la violence de patients liés à leur pathologie mentale ou à l'usage de substances. Les longs délais d'attente, le manque d'information, les conditions matérielles d'accueil et les exigences excessives exacerbent ces tensions.

Facteurs liés à la gestion de la relation de service et à l’organisation du travail
📌Insatisfaction client : Produits non conformes, services ne répondant pas aux besoins, ou prestations délivrées dans des conditions non optimales (temps d'attente, absence d'information).
📌Les politiques commerciales visant la "satisfaction totale" peuvent renforcer le niveau d'exigence des clients.
📌Fonctionnement de l'organisation perturbé ou inadapté : Effectifs insuffisants, absence d'interlocuteurs décisionnels, incohérence des règles, ou défaillances des systèmes techniques/informatiques peuvent "susciter une exaspération des clients".
📌Conditions de travail spécifiques : Travail de nuit ou horaires atypiques, rythmes de travail soutenus ou imposés, interruptions régulières des tâches, et impossibilité d'échanger avec collègues ou supérieurs en cas de problème augmentent les risques d'agression.
4. Les incidences des violences

Les violences externes ont des conséquences graves, tant pour les salariés que pour l'entreprise.
🙍♂️Sur les salariés :
🔴Atteintes à la santé physique : "Lésions et blessures subies lors d’agressions physiques" (contusions, griffures, plaies, fractures, voire décès).
🔴Atteintes à la santé psychologique : Dépendent de la victime, sa personnalité, son histoire, le contexte de l'agression.
🔴Stress aigu : Réactions immédiates (sidération, angoisse majeure, agitation, panique, hyper adaptation) pouvant persister.
🔴Stress post-traumatique : Si le choc est important et non pris en charge, les symptômes peuvent apparaître "plusieurs semaines ou plusieurs mois après l’agression, voire être différé". Ces troubles peuvent être psychologiques (flash-back, irritabilité, dépression, suicide), somatiques (troubles du sommeil, alimentaires), ou comportementaux (difficultés de concentration, démotivation).
🔴Impacts professionnels et personnels : La "honte et l’humiliation" peuvent se transformer en "culpabilité de ne pas avoir su ou pu réagir", entraînant une dépréciation des compétences professionnelles. La sphère privée est également affectée, menant à l'isolement.
🏢 Pour l'entreprise :
⭕Coûts directs : Liés aux "arrêts de travail, au remplacement du personnel, aux dégâts matériels, aux frais de procédures judiciaires…"
⭕Coûts indirects : "Plus difficilement quantifiables mais tout aussi importants pour la performance et la réputation de l’entreprise."
⭕Détérioration du climat de travail, sentiment d'insécurité, dégradation des relations interpersonnelles, cohésion d'équipe affectée, baisse de motivation, désinvestissement, démissions.
⭕ Augmentation de l'absentéisme, baisse de productivité, de performance et de qualité.
⭕Méfiance générale envers les clients, pouvant engendrer des attitudes agressives "auto-défensives" des salariés et de nouvelles violences.
⭕Impact sur l'image et la réputation de l'entreprise, pouvant mener à des mouvements sociaux si les violences sont ignorées ou minimisées.
💡L'employeur a une "obligation générale de sécurité" (articles L. 4121-1 à 5 du code du travail) concernant "l’ensemble des risques encourus par les travailleurs, y compris les risques d’agression causée par des tiers extérieurs à l’entreprise."
5. Les étapes clés de la démarche de prévention

Une démarche systématique d'analyse est nécessaire pour réduire les risques de violence externe, s'appuyant sur une politique d'entreprise affirmant "clairement le caractère inacceptable de toute violence et l’importance d’agir pour y remédier."
▶️Caractériser et estimer les risques dans l'entreprise : Déterminer les formes de violence (incivilités, menaces, agressions), les contextes de manifestation (visite à domicile, guichet, travail isolé) et les spécificités des postes concernés. Exploiter les agressions signalées, les données du médecin du travail, les plaintes des salariés et les réclamations des clients.
▶️Analyser les situations d'exposition et identifier les facteurs de risque : Comprendre les circonstances et causes précises des violences. Pour les violences criminelles, l'analyse se concentre sur les circonstances (heure, configuration des lieux, sécurisation). Pour les violences liées aux prestations de service, l'analyse des causes est essentielle pour améliorer la gestion client et l'organisation du travail.
▶️Établir un plan d'actions de prévention : Un ensemble coordonné de "mesures sociales, organisationnelles, techniques" est nécessaire. Ces actions visent à prévenir les violences en amont sur leurs causes, et à prévenir le passage à l'acte violent par des mesures de dissuasion, communication, protection, sécurisation et formation.
▶️Mettre en œuvre le plan d'actions et en suivre les effets : Évaluer l'efficacité du plan via des indicateurs. Un dispositif de signalement des actes de violence est indispensable pour leur prise en charge administrative, médico-psychologique et leur analyse préventive.
6. Les pistes d'action pour la prévention

La prévention des risques de violence se divise en deux types : la prévention des causes de violence et la prévention des risques de passage à l'acte violent. Plusieurs axes d'intervention sont recommandés, souvent complémentaires.
🚫Prévention des causes de violence
✅Axe 1 : Définir clairement les engagements de l'entreprise envers ses clients
Établir une politique contractuelle "claire et responsable" avec des moyens organisationnels et structurels adaptés.
Informer les clients de manière "simple, précise et compréhensible" sur les produits, services, conditions commerciales et procédures de réclamation/désengagement.
Clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règlements et procédures.
✅Axe 2 : Optimiser la gestion de la relation de service
Mettre en place des services adaptés aux spécificités des clients (portail internet, ligne téléphonique, bornes, accueil individualisé).
Gérer les flux pour diminuer les temps d'attente (niveaux d'accueil, information sur les temps d'attente, adaptation des effectifs).
Gérer le suivi clientèle, l'information et les réclamations (personnalisation de la relation, clarté des informations, gestion des rendez-vous, mise à jour des informations, alternatives en cas de problème, clarté des procédures de réclamation, application identique des règles).
✅Axe 3 : Améliorer les modes de fonctionnement de l'entreprise et son organisation du travail
Assurer la "maintenabilité" des systèmes techniques et informatiques, prévoir des ressources supplémentaires en cas de dysfonctionnements.
Donner des informations précises aux salariés sur les changements impactant les clients et fournir des argumentaires.
Laisser des marges de manœuvre aux salariés.
Favoriser la rotation du personnel, prévoir des effectifs suffisants, limiter le nombre de tâches différentes par poste, éviter le travail isolé.
✅Axe 4 : Renforcer les règles de socialisation du travail et les liens avec la clientèle
Mettre en place des actions de partenariat avec les collectivités locales, l'éducation nationale, les associations.
Instaurer des pratiques de "démocratie participative" (débats avec les clients, co-participation à des chartes de civilité).
Sensibiliser les clients/usagers sur le problème des violences externes, le métier des salariés et ses exigences (campagnes d'affichage, vidéos).
🚫Prévention des risques de passage à l'acte violent
✅Axe 5 : Aménager les espaces d'accueil du public
Tenir compte des normes (éclairage, sonore, thermique) et de l'appropriation de l'espace par les clients.
Choisir des guichets (fermés, semi-fermés, ouverts) en fonction du niveau de sécurité et de la qualité de communication souhaitée.
Définir les choix posturaux (assis/debout) selon la durée de l'échange, en respectant la communication au même niveau.
Établir une signalétique visible et lisible.
Organiser la file d'attente (délimitation, bornes à tickets).
Préserver une zone de confidentialité.
Préférer les petites unités, assurer le confort et la propreté des espaces, renforcer la sociabilité des lieux.
Prévoir un espace d'isolement pour les personnes violentes et éloigner les espaces personnels des salariés des zones d'accueil.
✅Axe 6 : Assurer la protection des salariés et sécuriser les locaux et les espaces de travail
Dispositifs de contrôle d'accès (sas, digicode, télésurveillance, agents de sécurité).
Sécurisation des locaux (vitres renforcées, écrans protecteurs, fixation du mobilier, mise hors de portée d'objets utilisables comme armes, agents de sécurité).
Alertes en cas de danger (bouton-alarme, pédale d'urgence, application informatique, téléphone mobile pour travailleurs isolés).
Configuration des espaces (poste d'accueil visible des collègues, voies de dégagement, accès de secours).
Équipements de gestion automatisée et sécurisée des espèces.
Plannings de travail adaptés (présence de plusieurs salariés aux moments critiques).
✅Axe 7 : Dissuader des actes de violence
Afficher la politique de l'entreprise envers les auteurs de violences, précisant les actions juridiques ou administratives. Ce message est d'autant plus dissuasif si les actions sont systématiquement appliquées, et il renforce le soutien aux salariés.
Signaler l'évacuation régulière des fonds, l'absence de clés de coffres par le personnel, l'existence de vidéosurveillance.
✅Axe 8 : Former les salariés en contact avec le public et leur encadrement :Formations à l'accueil des clients
Techniques de communication, écoute, reformulation, développement des compétences relationnelles et sociales.
Formations à la gestion des conflits : Clés pour désamorcer les situations de violence, reconnaissance des signes avant-coureurs, comportements apaisants (neutralité, bienveillance, reconnaissance du vécu). Permet les échanges sur les situations vécues et les pratiques.
Formations spécifiques aux managers : Sensibilisation aux violences externes, comportements appropriés envers les collaborateurs et la clientèle en cas d'incivilités ou d'agressions. La formation ne doit pas culpabiliser ceux qui n'ont pas pu éviter le conflit.
7. L'accompagnement et la prise en charge des victimes

L'entreprise doit prévoir un dispositif d'accompagnement des victimes pour limiter les conséquences des agressions, élaboré avec les acteurs de la santé au travail et des ressources humaines, et connu de tous.
👩⚕️Prise en charge médico-psychologique
Essentielle pour limiter le traumatisme. Réalisée par des professionnels formés spécifiquement, idéalement dans les trois jours suivant l'événement (cellules d'urgence d'aide médico-psychologique - CUMP).
Les soins immédiats peuvent être complétés par des consultations spécialisées ou des groupes de parole animés par un professionnel de santé.
👩⚕️Prise en charge médico-sociale
Inciter les victimes à informer l'employeur. L'agression peut être déclarée comme accident du travail (ou inscrite au registre des accidents bénins).
Les traumatismes psychologiques, dont le stress post-traumatique, peuvent être reconnus comme accident du travail sous conditions (faits au temps et lieu de travail, apparition des troubles à temps voisin des faits ou preuve d'un lien).
La déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial doivent être précis pour la reconnaissance professionnelle des troubles.
👩⚖️Accompagnement dans les démarches judiciaires
Souhaitable que les salariés bénéficient d'un conseil juridique et d'une assistance.
Aide de l'entreprise à plusieurs étapes : avant le dépôt de plainte, lors du dépôt et des auditions (accompagnement par la hiérarchie ou un représentant), suivi du traitement de la plainte (assistance juridique interne ou prise en charge des frais externes).
👥Accompagnement social et professionnel
La solidarité des acteurs de l'entreprise est essentielle pour la "reconstruction" de la victime, marquant la reconnaissance du caractère intolérable de l'événement.
Soutien par l'écoute de la hiérarchie et des collègues, attention portée à la réintégration au poste de travail (examen des demandes de mobilité).
Réponse de l'entreprise à l'agression : dépôt de main courante ou plainte conjointe, courrier de soutien au salarié, actions de prévention de futurs actes.
RESSOURCES

EN SAVOIR PLUS SUR RH IN SITU
J’ai créé RH IN SITU en 2017 afin d’accompagner sous différents formats (temps partagé, projets ponctuels, formation, facilitation) les Petites et Moyennes Organisations sur toutes leurs problématiques liées au travail. Je réalise ainsi des interventions visant à :
🎯accompagner les réflexions sur les questions de gouvernance et d'organisations du travail
🎯développer les compétences de collectifs de managers sur des thématiques spécifiques (pratiques managériales, RH, droit du travail, santé, ...) ou via du codéveloppement professionnel et managérial
🎯structurer, fiabiliser, optimiser et sécuriser les pratiques RH (compétences, process, outils, digitalisation, ...)
🎯favoriser la santé au travail en combinant l'approche par les risques professionnels et l'approche clinique afin d'identifier et de développer les ressources psychosociales des collectifs
🎯améliorer la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT)
🎯accompagner les démarches de prévention en tant qu'Intervenante en Prévention des Risques Professionnelles (IPRP)
🎯accompagner les collectifs sur les questions de dialogue social et dialogue professionnel
🎯développer les compétences des représentants du personnel
🎯trouver les profils en adéquation avec les besoins des structures (sourcing, chasse, recrutement, ....)
🎯accompagner les transitions professionnelles
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Plusieurs valeurs guident ma pratique professionnelle :
🤝Construire des relations authentiques, basées sur la confiance et la transparence
🤝Transmettre mes compétences aux équipes accompagnées pour développer leur autonomie
🤝Promouvoir un équilibre dans les relations employeur/salariés et un dialogue social et professionnel de qualité
🤝Avoir un impact positif sur la santé au travail des dirigeants, managers, salariés, …
🤝Contribuer, au travers de mes interventions, à la performance économique ET sociale des structures accompagnées
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