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De la performance à la robustesse : réinventer le management pour un monde en mutation

  • Photo du rédacteur: Fanny LE GUEN
    Fanny LE GUEN
  • 10 juin
  • 9 min de lecture
changement

🌪️Dans un monde en perpétuelle mutation, où les crises s'enchaînent et s'entrechoquent, le paradigme de la performance à tout prix montre ses limites. Et si la clé pour naviguer dans ces eaux tumultueuses résidait non pas dans l'optimisation constante, mais dans la robustesse ? 🚀💡Inspirée des travaux d'Olivier HAMANT, cette réflexion nous pousse à repenser en profondeur les approches de management et d'organisation du travail ; je ne peux m'empêcher d'établir un parallèle entre robustesse et clinique du travail, je vous explique pourquoi dans la suite de cet article. La question de la robustesse (et non plus uniquement de la performance économique et sociale) sera au programme de mes prochains accompagnements.


Le piège de la performance : pourquoi il est temps de changer de paradigme


course

💡La performance, définie comme la somme de l'efficacité (atteindre son objectif) et de l'efficience (avec le moins de moyens possibles), nous a enfermés dans une voie étroite et fragile.


👉La performance n'est plus la réponse adaptée aux défis actuels :

🔻Fragilité et burn-out : la suroptimisation mène à l'épuisement des humains et des écosystèmes. Des organisations sous tension constante génèrent des démissions, des burn-out et un désengagement croissant, comme en témoigne la double épidémie de ce premier quart de siècle.

🔻Pensée réductionniste : pour être performante, une organisation doit réduire les problèmes complexes en sous-problèmes, créant ainsi de nouveaux nœuds ailleurs. Penser "efficacité" nous empêche d'embrasser la perplexité, pourtant "le début de la connaissance".

🔻Autojustification : la performance tend à s'autojustifier par des indicateurs, dénaturant l'objectif initial.

🔻Déshumanisation et contrôle exacerbé : le culte de la performance, alimenté par la digitalisation, nous pousse vers l'hyperdisponibilité et des systèmes de contrôle indirects toujours plus puissants, réduisant les interactions humaines et le sens même du travail.

🔻Illusions de croissance et de stabilité : la croissance infinie sur une planète finie est absurde et crée des pénuries. La performance se justifie dans un monde stable, abondant et en paix, hypothèse qui n'est plus vérifiée.

🔻Limites de la RSE et de l'agilité : la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et l'agilité, bien que vertueuses en apparence, peuvent se limiter à des améliorations superficielles, du "greenwashing" ou de nouvelles formes d'optimisation sans remettre en cause la logique profonde de la performance. Elles peuvent même devenir des injonctions supplémentaires qui rigidifient l'organisation au lieu de la rendre viable.


La robustesse : une voie inspirée du vivant pour une viabilité durable


optimisme

💡"La robustesse est la capacité d'un système à se maintenir stable à court terme et viable à long terme malgré les fluctuations. Elle offre une réponse opérationnelle aux turbulences et s'inspire directement du fonctionnement des systèmes vivants, experts des incertitudes."


Contrairement à une idée reçue, le vivant n'est pas performant au sens d'efficacité et d'efficience maximales. Il "gâche énormément d'énergie et de ressources" selon Olivier HAMANT. Sa force réside dans ses contre-performances constitutives :

• ✳️Hétérogénéité et redondance : multiplier les options, créer des chemins alternatifs dans un environnement imprévisible vs les pratiques de standardisation qui aliènent et dévitalisent le travail

• ✳️Aléas et lenteur : accepter l'imprévu, prendre le temps de l'expérimentation et de la diversification. La lenteur, le "temps perdu", est un prérequis indispensable avant de décider dans un monde robuste vs les transformations permanentes au pas de course, sans même prendre le temps de s’assurer qu’on va dans la bonne direction ou que tout le monde suit.

• ✳️Incohérence et erreurs : les contradictions internes, loin d'être des faiblesses, sont des sources de stabilité et de souplesse, permettant de résister aux fluctuations externes et d'éviter les escalades sans fin.

• ✳️Sous-optimalité : viser le satisfaisant plutôt que le maximum. Le vivant fonctionne bien en dessous du maximum de performance pour pouvoir répondre à une attaque inattendue, s'autorisant la performance de manière transitoire uniquement.


💨La robustesse, en ouvrant le champ des possibles, nous invite à un "contre-programme" qui inverse les paradigmes de notre temps.


La robustesse, un atout majeur pour les structures de l'ESS et les "marges pionnières"


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💡Les structures de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS), que j’accompagne, sont souvent des exemples précurseurs de cette transition vers la robustesse. Elles opèrent aux "marges" du système dominant, des marges qui, selon Olivier HAMANT, sont les premières à percevoir les fluctuations et à développer des stratégies pour s'y adapter, devenant ainsi les pionnières des bifurcations futures.


Pour autant, les structures de l’ESS sont aussi confrontées à cette injonction à la performance : il faut faire mieux ou plus avec toujours moins de ressources, et j’en constate chaque jour les effets sur les organisations et les équipes …


Les inversions proposées par la robustesse

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Voici quelques-unes des inversions que la robustesse propose et qui résonnent fortement avec les valeurs de l'ESS :


1. Questionner avant de répondre :

👉au lieu de chercher la meilleure réponse à la mauvaise question, la robustesse nous invite à passer plus de temps à définir les problèmes, à les soumettre à des "stress tests", à embrasser la perplexité.


2. Produire pour nourrir les écosystèmes :

👉l'agroécologie, la bioéconomie circulaire, le tout-réparable remplacent l'exploitation des écosystèmes par une production qui les nourrit et les régénère. La circularité prend le pas sur l'efficience, rendant le gaspillage non problématique.


3. De la propriété à l'usage et au partage :

👉l'économie de l'usage, le partage de ressources et d'outils (comme les ateliers de réparation citoyens) remplacent le "tout jetable" et la propriété individuelle. Cela favorise la coopération et réduit l'obsolescence programmée.


4. Low-tech citoyenneté et innovation robuste :

👉promouvoir des solutions low-tech qui allient durabilité et technologie, valorisant la techno-diversité, les savoir-faire locaux, et l’hybridation des connaissances. L’innovation devient un choix stratégique orienté par la robustesse, non par la rentabilité financière immédiate.


5. Faire commun : relier grâce aux contradictions :

👉plutôt que d’éviter les conflits, les utiliser comme levier d’équilibre collectif, favorisant la démocratie robuste et l’intelligence collective. La conflictualité constructive devient une ressource pour la cohésion


6. Travailler moins pour vivre mieux :

👉la robustesse invite à redonner du sens au travail en favorisant une meilleure qualité de vie, en limitant la surcharge et en valorisant l’épanouissement collectif.


7. La santé commune comme levier économique :

👉un projet robuste doit alimenter la santé humaine, la santé sociale et la santé des milieux naturels, sans exception. Le modèle économique devient un produit de cette "santé commune", et non une contrainte d'entrée. Cela ancre la structure dans une logique de soin au territoire.


8. La valorisation de la coopération :

👉développer l’apprentissage collectif, la réflexion critique, et la densité des interactions, pour construire des réseaux résilients et renforcer le sentiment d’appartenance.


Des exemples concrets

essais

Organisations à taille humaine ancrées localement

Olivier HAMANT cite des exemples concrets de structures illustrant déjà cette démarche :

👉 Pocheco (fabricant d'enveloppes écologiques axé sur l'écolonomie, le bien-être des salariés et la circularité);

👉 Entropy (restaurant axé sur le zéro gaspillage, produits locaux, financement d'associations);

👉 Ulterïa (école, ferme, entreprises industrielles interconnectées);

👉 La Louve (supermarché participatif, prix bas, bio, circuits courts).


Le modèle des SCOP favorise la robustesse

Les principes fondamentaux qui sous-tendent le modèle des SCOP, sont des leviers essentiels pour construire la robustesse dans un monde fluctuant :

  • La coopération prime sur la compétition;

  • La gouvernance démocratique et participative;

  • La recherche de résilience plutôt que de rendement maximal;

  • L'ancrage local et l’économie de l’usage;

  • La prise en compte de la santé et de l’environnement comme piliers fondamentaux.


Développer la robustesse des organisations en mettant la qualité du travail au coeur des débats


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💡La transition vers la robustesse est un processus qui exige d'élargir notre cadre de référence et de repenser nos conceptions de la performance, de l'incertitude et de la croissance. Cette évolution, bien que progressive, apparaît inéluctable. L'objectif n'est pas d'abandonner toute notion de performance, mais de la repositionner comme un élément secondaire, transitoire et au service d'une viabilité durable.


Quels parallèles entre la robustesse et l'approche clinique du travail ?

Je ne peux m'empêcher d'établir des parallèles entre le modèle de la robustesse et les principes de la clinique du travail (objet de ma formation de ces derniers mois). Voici les principaux points de convergence que j'identifie :


1. Créer des marges de manœuvre

❌La quête incessante de performance et la suroptimisation enferment les organisations dans une voie non viable, engendrant épuisement professionnel et désengagement des salariés


✅À l'inverse, la robustesse se construit sur des éléments souvent perçus comme des "contre-performances" (hétérogénéité, aléas, erreurs, lenteur). Elle vise à maintenir la stabilité et la viabilité du système malgré les fluctuations. Cette approche génère des "marges de manœuvre considérables", essentielles pour naviguer dans l'imprévisible.


👉L'écart entre le travail "prescrit" par les objectifs de performance et le travail "réel" – concept central en clinique du travail – est une source majeure de souffrance professionnelle. En cultivant ces marges, les organisations réduisent la pression sur les individus, reconnaissent la complexité du travail vivant, et favorisent une activité plus adaptable et moins aliénante, améliorant ainsi intrinsèquement la qualité du travail et la santé des salariés.


2. Valoriser les contradictions et le débat

✅La robustesse encourage à "identifier les questions d'abord" et à "consacrer plus de temps à leur analyse", même si cela peut sembler contre-productif en termes de rapidité. Elle valorise la "discussion ouverte" et les "critiques constructives", reconnaissant que la robustesse organisationnelle se construit sur les "contradictions internes". Les "incohérences" sont même considérées comme garantes de la stabilité à long terme.


👉Ce principe fait écho à la clinique du travail, qui promeut la création d'espaces de discussion collective sur le travail. Ces espaces permettent aux salariés d'expliciter les dilemmes, les imprévus et les ajustements qu'ils rencontrent au quotidien. En partageant et en débattant de ces contradictions inhérentes à l'activité réelle, le collectif peut élaborer de nouvelles connaissances et solutions. Ce processus favorise non seulement une meilleure compréhension et maîtrise du travail, mais il permet également de transformer la souffrance liée à ces contradictions en un développement du pouvoir d'agir et une amélioration de la santé psychologique des travailleurs, la verbalisation étant essentielle pour "réorganiser ses pensées".


3. Renforcer le collectif en créant les conditions de la coopération

✅La valorisation de la coopération et du collectif permet aux travailleurs de développer des "compétences relationnelles" et de s'entraider, renforçant le "sentiment d'appartenance". Cette dynamique collective est un puissant levier pour la qualité du travail, car les solutions aux problèmes complexes émergent souvent de l'intelligence collective.


👉Elle constitue également une ressource précieuse pour la santé au travail, en offrant un soutien social face aux difficultés et en favorisant la reconnaissance mutuelle du travail réel, souvent invisible dans les systèmes axés sur la performance quantitative


4. Redéfinir la valeur du travail et la santé

👉Il devient urgent de lutter contre la "double épidémie de démissions et de burn-out" en "libérant certaines activités du marché du travail" et en redonnant du sens au travail.


✅Le concept de "santé commune" (englobant la santé humaine, sociale et environnementale) implique la protection de la santé mentale et physique des travailleurs. Il invite à concevoir le travail de manière holistique, intégrant le bien-être des travailleurs comme une condition fondamentale de la viabilité de la structure, et non comme un coût ou une simple conformité réglementaire. Cette approche représente une revalorisation fondamentale de la qualité du travail, tant en termes de résultats que d'expérience vécue par le travailleur, et une reconnaissance de l'interdépendance entre santé individuelle, collective et environnementale.


5. Favoriser l’expérimentation et l’adaptabilité

✅La robustesse valorise une "culture de l'apprentissage" où les difficultés et les échecs sont perçus comme des opportunités d'amélioration. Cette approche encourage l'expérimentation et considère les tentatives infructueuses comme des ressources précieuses pour stimuler la créativité et l'ingéniosité face à l'incertitude.


👉 La clinique du travail, quant à elle, met l'accent sur l'analyse collective des situations de travail, y compris les obstacles et les contraintes rencontrés. Elle encourage le développement de stratégies d'adaptation innovantes à travers le dialogue et la réflexion partagée sur l'activité réelle.


Ces deux perspectives favorisent un environnement où l'adaptabilité est valorisée, où les travailleurs se sentent en sécurité pour explorer de nouvelles approches, et où l'apprentissage continu est intégré dans la culture organisationnelle. Cette dynamique contribue non seulement à la résilience de l'organisation, mais aussi à la santé collective en réduisant le stress lié à la peur de l'erreur et en renforçant le sentiment d'efficacité et d'autonomie des équipes.



Conclusion


📝 En synthèse, la transition vers la robustesse, telle qu’elle est proposée par Olivier HAMANT, consiste en une véritable inversion de paradigmes : sortir d’une logique de performance effrénée pour s’ancrer dans une dynamique de résilience, de coopération et d’adaptabilité.

Elle résonne profondément avec les principes de la clinique du travail, qui privilégie les interactions humaines, le dialogue, la prise en compte des contradictions et une conception élargie de la santé.


🚀En abandonnant le culte de la performance, les organisations peuvent non seulement assurer leur pérennité dans un contexte fluctuant, mais aussi offrir un cadre plus humain, plus épanouissant, permettant à chaque individu de se dépasser avec l’aide des autres, tout en retrouvant du sens dans leur activité.


🫶Le futur appartient à ces structures qui sauront s’adapter et innover par la coopération et la robustesse, plutôt que par la compétition et la surperformance.





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EN SAVOIR PLUS SUR RH IN SITU

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J’ai créé RH IN SITU en 2017 afin d’accompagner sous différents formats (temps partagé, projets ponctuels, formation, facilitation) les Petites et Moyennes Organisations sur toutes leurs problématiques liées au travail. Je réalise ainsi des interventions visant à :

  • 🎯accompagner les réflexions sur les questions de gouvernance et d'organisations du travail

  • 🎯développer les compétences de collectifs de managers sur des thématiques spécifiques (pratiques managériales, RH, droit du travail, santé, ...) ou via du codéveloppement professionnel et managérial

  • 🎯structurer, fiabiliser, optimiser et sécuriser les pratiques RH (compétences, process, outils, digitalisation, ...)

  • 🎯favoriser la santé au travail en combinant l'approche par les risques professionnels et l'approche clinique afin d'identifier et de développer les ressources psychosociales des collectifs

  • 🎯améliorer la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT)

  • 🎯accompagner les démarches de prévention en tant qu'Intervenante en Prévention des Risques Professionnelles (IPRP)

  • 🎯accompagner les collectifs sur les questions de dialogue social et dialogue professionnel

  • 🎯développer les compétences des représentants du personnel

  • 🎯trouver les profils en adéquation avec les besoins des structures (sourcing, chasse, recrutement, ....)

  • 🎯accompagner les transitions professionnelles

  • . . .


Plusieurs valeurs guident ma pratique professionnelle :

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  • 🤝Construire des relations authentiques, basées sur la confiance et la transparence

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  • 🤝Avoir un impact positif sur la santé au travail des dirigeants, managers, salariés, …

  • 🤝Contribuer, au travers de mes interventions, à développer la robustesse des structures accompagnées




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