top of page

La fiche de poste, on en parle ?

  • Photo du rédacteur: Fanny LE GUEN
    Fanny LE GUEN
  • 14 août
  • 10 min de lecture
dialogue

Traditionnellement, la fiche de poste est perçue comme un document administratif synthétique décrivant responsabilités, compétences, conditions et missions d’un poste. Elle sert de référentiel pour le recrutement, l’évaluation et le développement des compétences.

Toutefois, cet outil formel ne suffit pas à saisir la réalité du travail réalisé par les salariés.

Comprendre l’écart entre ce qui est prescrit et ce qui est réellement mis en oeuvre est essentiel.


C'est la raison pour laquelle, au fil de ma pratique, j'ai développé une démarche de co-construction de la fiche de poste entre le manager et le salarié ; l'objectif étant de mobiliser cet outil pour instaurer un dialogue autour du travail, au service de la santé des travailleurs et de la robustesse de l'écosystème.


Du travail prescrit à l'activité de travail


dimensions

Travail prescrit vs travail réel

💡La fiche de poste représente le travail prescrit : celle qui est formellement définie par l’organisation, via ses procédures, normes et responsabilités officielles. Elle sert de cadre réglementaire et normatif, garantissant une certaine cohérence dans la gestion des ressources humaines. Toutefois, cette prescription ne reflète pas entièrement ce qui s’effectue réellement sur le terrain.


💡Le travail effectif, ou ce que l’on peut appeler le travail réel dans une approche clinique, désigne l’ensemble des activités concrètes que le salarié mobilise au quotidien : les tâches formelles, mais aussi toutes les adaptations, improvisations, efforts tacites, interactions sociales, gestion d’imprévus, et stratégies cognitives et émotionnelles.


💡Cet écart entre la fiche et la pratique réelle est omniprésent dans toutes les organisations, je dirais même qu'il est irréductible dans la mesure où il est absolument impossible de prévoir tout ce qui peut advenir dans une situation de travail. Pour illustrer cet écart, citons par exemple :

  • La gestion d’imprévus, où le salarié doit improviser, mobilisant ses compétences, sa créativité et son jugement pour répondre à des circonstances non anticipées.

  • La collaboration informelle, qui permet aux salariés d’échanger et de s’entraider au-delà de leurs responsabilités officielles, exploitant leur savoir-faire tacite.

  • La mise en œuvre d’innovations spontanées, où la capacité à expérimenter et à mobiliser ses ressources personnelles devient une force pour l’organisation.


💡Si on demandait aux salariés de s'en tenir à leur fiche de poste, aucune organisation ne fonctionnerait. C'est d'ailleurs ce qui se passe lorsque les travailleurs font une "grève du zèle". Ils s'en tiennent aux consignes formelles et plus rien n'avance.


flèches

Les conséquences possibles de cet écart

Cet écart peut générer des tensions, de la surcharge, voire du stress ou un sentiment d’injustice. Ainsi nombre de managers ont entendu "mais ce n'est pas sur ma fiche de poste !".


💡Ce qu’il faut souligner, c’est que cet écart n’est pas uniquement négatif ou aliénant. Au contraire, lorsque le salarié dispose d’autonomie, de marges de manœuvre, et peut faire preuve de créativité, d’ingéniosité et d’intelligence dans l’exercice de ses activités, ces dimensions deviennent des facteurs de protection pour sa santé. La capacité à adapter ses actions, à mobiliser ses compétences tacites et à faire preuve d’initiative permet non seulement de répondre aux imprévus mais aussi d’enrichir la pratique professionnelle.

Ces ressources personnelles contribuent à une activité porteuse de sens, qui renforce la résilience de l’individu face aux tensions et à la surcharge.


flèches

Lien entre activité de travail et santé

💡L’activité de travail désigne l’ensemble des processus physiques, cognitifs et sociaux mobilisés par un individu pour réaliser ses tâches. Elle inclut non seulement l’exécution formelle, mais aussi la prise de décisions, l’adaptation aux contraintes, la gestion des priorités, et la mobilisation de compétences tacites.


👍La possibilité pour le salarié de disposer de marges de manœuvre, à condition qu’elles soient encadrées et valorisées, transforme la tension potentielle entre prescription et réalité en un levier de développement personnel et collectif.


👍Lorsqu’il peut exercer sa créativité, faire preuve d’autonomie, et mobiliser ses ressources dans un cadre organisé, le salarié réduit sa vulnérabilité face aux risques psychosociaux et accroît sa capacité à rebondir.


👉En résumé, la distinction entre travail prescrit, travail réel et activité de travail dans une approche clinique doit s’appréhender comme une articulation dynamique :

  • La fiche de poste offre une base normative, mais ne peut se suffire à elle-même.

  • Le travail réel, ou activité effective, est un territoire mouvant où la richesse et l’autonomie jouent un rôle clé dans la santé et la performance.

  • La capacité à faire preuve de créativité, à s’adapter et à exercer son jugement dans cet espace est un facteur de protection essentiel pour le salarié, à condition qu’il soit encadré, reconnu et cultivé par l’organisation.


Et la charge de travail dans tout ça ?


Cette articulation entre travail prescrit, travail réel et activité de travail montre que la gestion du travail va bien au-delà de la simple exécution de tâches.

C'est pourquoi il est si difficile pour les organisations d'agir sur les problématiques de charge de travail (sous-charge ou surcharge) quand elles surviennent. La charge de travail, pour être comprise et régulée efficacement, doit intégrer non seulement les contenus formels, mais aussi l’ensemble des efforts, tensions et ressources mobilisées dans la pratique quotidienne.


curseur

Les 3 dimensions de la charge de travail

La charge de travail comporte trois dimensions essentielles :

  • 📌Charge prescrite (P): "C’est la tâche au sens ergonomique, le système de contraintes qui s’impose au salarié, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Ce sont les objectifs que l’on attend du travail, les attentes définies par les organisateurs du travail et dont l’exécution est vérifiée par le management" (ANACT)

  • 📌Charge de travail réelle ou vécue (R) : C’est l’astreinte au sens ergonomique, le « coût » que le salarié « défraye » pour réaliser l’activité. Les ergonomes ne parlent de charge de travail que dans ce sens précis. La charge de travail réelle concerne l’ensemble des régulations effectuées ici et maintenant pour atteindre les objectifs et préserver sa santé. Un excès d’objectifs ou a contrario une sous-utilisation des capacités cognitives, une insuffisance de moyens ou de compétences peuvent altérer le sentiment de bien-être au travail et même la santé" (ANACT)

  • 📌Charge de travail subjective ou ressentie (S) : "C’est le « ressenti », l’évaluation que fait le salarié de sa propre situation. Celle-ci peut varier fortement en fonction de l’équilibre rétribution/contribution, de la reconnaissance et du sentiment d’utilité ou de « beauté » (1) conférée au travail. Une charge de travail lourde, s’il elle fait l’objet d’une rétribution et d’une reconnaissance conséquente (par les pairs ou la hiérarchie) peut être ressentie positivement. À l'inverse, une charge faible, un travail non reconnu et déconsidéré peuvent être très mal vécus" (ANACT)


💡On comprend ainsi que se baser uniquement sur la fiche de poste pour évaluer la charge réelle n'est pas suffisant (c'est pourtant l'erreur que commettent de nombreuses organisations!).

Il est en effet primordial d’intégrer tout ce que le salarié doit mobiliser, en prenant en compte ses ressources personnelles, la qualité de l’environnement, le support disponible, et les tensions du contexte. La charge ne se limite pas à une simple liste de tâches ; elle englobe aussi les efforts cognitifs, émotionnels, et relationnels que le travail impose dans des conditions souvent fluctuantes.


👉Exemples concrets

  • Un agent de maintenance doit non seulement suivre une procédure mais aussi gérer les imprévus techniques, le stress lié à la pression des délais, et la cohésion avec ses collègues. La charge réelle dépasse largement la fiche de tâches initiale.

  • Un médecin doit équilibrer la charge cognitive élevée due à la complexité des cas cliniques, le temps de consultation, et la gestion des situations émotionnellement exigeantes, tout cela dans un contexte où les ressources peuvent être insuffisantes.


phases

Les 3 phases à mettre en oeuvre pour agir sur la charge de travail

🔖Analyse de la charge de travail

Recueillir les signaux faibles (fatigue, stress, irritabilité) via des entretiens ou questionnaires. Définir dans quelles dimensions (quantitative, qualitative, émotionnelle, contextuelle) la surcharge apparaît en impliquant salariés, managers et RH.


🔖Régulation de la charge de travail

Adapter l’organisation : redistribuer les responsabilités, renforcer l’autonomie, ajuster les moyens. Favoriser la mobilisation collective pour ajuster durablement la charge, en valorisant les ressources personnelles et professionnelles.


🔖Suivi et Évaluation de la charge de travail

Mesurer régulièrement la perception de surcharge, la santé mentale et la qualité de vie au travail à l’aide d’indicateurs. Réajuster l’organisation en continu en fonction des nouveaux signaux pour garantir un équilibre durable.


👉 En résumé, une régulation efficace repose sur une connaissance fine des trois dimensions de la charge, une démarche participative d’analyse, des ajustements continus, et une évaluation régulière pour préserver la santé, la motivation et la robustesse.


ree

L'apport de la clinique du travail dans l'analyse du travail

L’approche clinique du travail — qui consiste à analyser le travail tel qu’il est réellement exercé, ses besoins, ses tensions, ses ressources et ses significations — est un outil précieux pour comprendre les déséquilibres de la charge.


Elle permet d’identifier les situations où la demande dépasse la capacité réelle du salarié, ou au contraire, où le travail devient en partie invisible parce qu’une partie importante de l’activité n’est ni prescrite ni valorisée.


Une fiche de poste qui intègre ces dimensions favorise une régulation plus fine du travail, en évitant de se limiter à la simple description formelle. Elle permet aussi d’instaurer un dialogue véritablement constructif autour de ce que le salarié mobilise dans ses conditions concrètes d’exercice.


Les bénéfices d'une co-construction de la fiche de poste


ree

Pourquoi co-construire la fiche de poste ?

Reconnaître la complexité de la charge de travail — ses différentes dimensions (prescrite, réelle, subjective) — ainsi que ses impacts potentiels sur la santé des salariés, nécessite de dépasser les approches traditionnelles souvent limitées. Trop fréquemment, les fiches de poste sont rédigées par la direction ou les RH (quand elles ne sont pas la retranscription des offres d'emploi), puis transmises aux salariés sans réelle mise à jour ou appropriation. Ce décalage avec la réalité du terrain limite leur efficacité, voire leur intérêt pour la gestion et l’organisation du travail.


Il est donc essentiel d’adopter une démarche structurée et participative pour clarifier et formaliser les missions et responsabilités, et surtout d'en discuter.


Dans cette optique, la co-construction s’avère comme une démarche pertinente. En impliquant salariés et managers dans une exploration commune, elle permet d'établir un dialogue authentique sur le travail réel et ses conditions, pour :

  • Donner au manager une meilleure représentation de la réalité du travail,

  • Favoriser la reconnaissance du travail pour le salarié,

  • Instaurer un processus d’échange et d'ajustements continus


ree

Les étapes clés de cette démarche de co-construction de la fiche de poste

🔖 Préparation :

  1. Pour le manager : identifier les besoins, analyser le contexte précis du poste, connaître les enjeux organisationnels et les moyens disponibles

  2. Pour le salarié : structurer sa présentation des missions réalisées


🔖Dialogue entre manager et salarié

  • Organiser un entretien structuré pour échanger sur la perception de chacun concernant le contenu du poste

  • Discuter des difficultés rencontrées, des imprévus réguliers et des adaptations nécessaires dans la pratique, tout en clarifiant les attentes réciproques

Cette étape oblige le manager à questionner le travail, en se départissant de ses représentations préétablies et en associant la question des missions, responsabilités, compétences et moyens.


🔖Co-rédaction

  • Rédiger ensemble la fiche de poste en conciliant besoins organisationnels et réalité de l'activité et des ressources (compétences, moyens matériels, temps disponible, ...).

  • Il est crucial de penser en termes de missions et responsabilités, et non de micro-tâches, pour donner une vision globale et cohérente

À titre personnel, cette étape se fait souvent en direct avec le salarié, avec un écran partagé, afin de fluidifier l'étape de la validation.


🔖Validation et suivi

  • Faire valider la fiche par toutes les parties prenantes (RH, hiérarchie, salarié)

  • Instaurer un processus de révision périodique pour ajuster le contenu selon l’évolution du travail et de l’organisation

  • L’entretien annuel peut servir de prétexte pour revisiter la fiche, sauf si des changements majeurs en cours d’année nécessitent une mise à jour plus urgente


Ce processus vise à instaurer un dialogue permanent, basé sur la reconnaissance des réalités du terrain et la nécessité d’adapter en continu les responsabilités et ressources.


ree

Les bénéfices d’une fiche de poste co-construite et vivante

  • 📌Sur le plan de la santé au travail :

    • Réduction du stress et des tensions liées aux contradictions entre prescrit et réel

    • Reconnaissance des efforts cognitifs et émotionnels requis

    • Prévention des risques psychosociaux en clarifiant et ajustant les responsabilités et marges de manœuvre

  • 📌Sur le plan de la charge de travail

    • Prise en compte des efforts effectivement déployés, permettant une meilleure régulation

    • Capacité à anticiper et réguler les déséquilibres liés à un environnement en constante évolution


  • 📌Sur le plan du dialogue social et du dialogue professionnel

    • Instauration d'espaces de dialogue permettant de partager les enjeux globaux et les réalités du terrain

    • Construction d’une confiance mutuelle renforcée par la transparence et la reconnaissance


  • 📌Approche managériale

    • Développement d’une culture participative, flexible et adaptative

    • Valorisation des savoir-faire informels et tacites

    • Montée en compétence sur les questions de travail réel et de charge de travail, permettant d'améliorer son accompagnement au quotidien


  • 📌Impact stratégique

    • Une fiche intégrant la diversité des activités et ressources mobilisées devient un outil clé pour aligner attentes organisationnelles et réalité du terrain

    • Elle facilite la remontée d’informations pour une gestion proactive des risques, notamment psychosociaux, et pour l’amélioration continue de l’organisation du travail


Conclusion


📝En conclusion, la co-construction de la fiche de poste représente bien plus qu'une simple formalité administrative. C'est un processus dynamique qui permet de reconnaître la complexité du travail réel, d'instaurer un dialogue constructif entre managers et collaborateurs, et de créer un outil vivant au service de la santé individuelle et collective. Cette approche participative permet de :

  • Mieux appréhender l'écart entre le travail prescrit et le travail réel

  • Reconnaître et valoriser les compétences tacites et l'intelligence situationnelle des collaborateurs

  • Réguler plus efficacement la charge de travail dans toutes ses dimensions

  • Prévenir les risques psychosociaux en clarifiant les attentes et les ressources

  • Favoriser l'engagement et le sens au travail par une meilleure reconnaissance


🌟Pour les dirigeants et managers, adopter cette démarche de co-construction signifie investir dans une culture organisationnelle plus agile, transparente et résiliente. C'est aussi un moyen de développer une compréhension plus fine des réalités du terrain, essentielle pour prendre des décisions éclairées et anticiper les défis futurs.


🏆 En transformant la fiche de poste d'un document statique en un outil de dialogue et d'ajustement continu, les organisations se donnent les moyens de s'adapter plus rapidement aux évolutions de leur environnement tout en préservant la santé et la motivation de leurs équipes. C'est un investissement dans la durabilité et la robustesse à long terme de l'organisation.




RESSOURCES

flèche









EN SAVOIR PLUS SUR RH IN SITU

rh in situ

J’ai créé RH IN SITU en 2017 afin d’accompagner sous différents formats (temps partagé, projets ponctuels, formation, facilitation) les Petites et Moyennes Organisations sur toutes leurs problématiques liées au travail. Je réalise ainsi des interventions visant à :

  • 🎯accompagner les réflexions sur les questions de gouvernance et d'organisations du travail

  • 🎯développer les compétences de collectifs de managers sur des thématiques spécifiques (pratiques managériales, RH, droit du travail, santé, ...) ou via du codéveloppement professionnel et managérial

  • 🎯structurer, fiabiliser, optimiser et sécuriser les pratiques RH (compétences, process, outils, digitalisation, ...)

  • 🎯favoriser la santé au travail en combinant l'approche par les risques professionnels et l'approche clinique afin d'identifier et de développer les ressources psychosociales des collectifs

  • 🎯améliorer la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT)

  • 🎯accompagner les démarches de prévention en tant qu'Intervenante en Prévention des Risques Professionnelles (IPRP)

  • 🎯accompagner les collectifs sur les questions de dialogue social et dialogue professionnel

  • 🎯développer les compétences des représentants du personnel

  • 🎯trouver les profils en adéquation avec les besoins des structures (sourcing, chasse, recrutement, ....)

  • 🎯accompagner les transitions professionnelles

  • . . .


Plusieurs valeurs guident ma pratique professionnelle :

Elycoop
  • 🤝Construire des relations authentiques, basées sur la confiance et la transparence

  • 🤝Transmettre mes compétences aux équipes accompagnées pour développer leur autonomie

  • 🤝Promouvoir un équilibre dans les relations employeur/salariés et un dialogue social et professionnel de qualité

  • 🤝Avoir un impact positif sur la santé au travail des dirigeants, managers, salariés, …

  • 🤝Contribuer, au travers de mes interventions, à la robustesse des structures accompagnées




Commentaires

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
bottom of page